Grande entrevue: Edan Tapp

Aujourd’hui, moi et mon ami, Thomas, avons interviewé mon frère, Edan Tapp, pour savoir comment c’était, être transgenre. Nous lui avons demandé plein de questions à propos de sa transition. 

1. Combien de temps prend une transition ? 

Une transition prend le temps qu’il faudra. En d’autres mots, chaque personne trans vit sa transition différemment, et cette même personne décide quand elle a terminé. Certaines personnes trans ne prendront jamais d’hormones, d’autres oui. Certain(e)s ne voudront pas avoir accès aux opérations de changement de sexe, et d’autres oui. Si je parle personnellement, par contre, je dirais que ma transition n’est pas terminée, puisque je ne suis pas rendu là ou je veux être. Je suis sur les hormones (la testostérone), mais je n’ai pas encore eu d’opérations, et j’aimerais ça, dans un futur proche. 

2. Quand as-tu réalisé que tu n’étais pas dans le bon corps ?

Je crois que je l’ai toujours su, à l’intérieur, que je n’étais pas dans le bon corps. Je n’avais tout simplement pas le vocabulaire pour l’expliquer. J’ai toujours voulu m’habiller dans la section des garçons, je me tenais toujours avec des garçons, et je vivais ma vie d’enfance comme si je n’avais jamais été différent des autres garçons dans mon entourage. C’est en atteignant la puberté que ça c’est compliqué. Je ne comprenais pas pourquoi mon corps se développait différemment de mes amis gars. J’ai trouvé ça horrible quand j’ai eu mes premières menstruations. 

C’est en me promenant sur internet que j’ai découvert que d’autres personnes se sentaient comme moi. Sur Youtube, plus exactement. En réalisant que mes sentiments étaient justifiés, et que ce n’était pas moi qui était juste bizarre, j’ai pu faire plus de recherches. Elles m’ont donné le vocabulaire que je n’avais pas, et j’en suis venu à la conclusion que j’étais bien transgenre.

3. Quand as-tu fait ton coming out ? Comment cela s’est passé ?

Après avoir fait ma trouvaille sur Internet, j’ai gardé le secret pendant un petit bout de temps. J’ai commencé à me présenter comme étant un garçon en ligne, sur des jeux vidéo ou sur des forums de discussion, mais dans la vraie vie, j’ai décidé de ne pas en parler jusqu’à ce que je sois au Cégep. J’en étais à ma deuxième session du programme de Langues et Communications, et tous mes amis étaient aussi au courant. J’ai fait mon coming out à mes parents en dernier parce que je voulais avoir la validation de mes amis avant de passer à l’action. Puisque leur réponse était très positive, je me suis lancé, après une longue journée d’école. Je crois que si la réponse de mes amis avait été négative, je n’aurais jamais fait de coming out, de peur de me faire rejeter.

4. Comment ta famille (dont je fais parti) a-t-elle réagi ? 

Mon coming out à ma famille ne s’est pas exactement déroulé de la façon que je le prévoyais. Je l’ai dit à ma mère en premier, en revenant de l’école. Je crois que c’est ça réaction qui était la plus forte. Je me rappelle de m’être assis sur le banc, au comptoir de la cuisine, à côté d’elle. Elle était sur son ordinateur portable, et elle me demandait ce qui se passait. Clairement, avec son instinct de mère, elle savait que quelque chose clochait. Quand je lui ai dit:  “Je crois que je suis un garçon”, elle m’a répondu: “Ça ne se peut pas”. Elle ne m’a pas cru, et je l’ai très mal pris. Elle me disait que j’avais vécu pendant dix-huit ans en tant que fille et que c’était impossible que je dise que je sois un garçon seulement maintenant. Ça a été rocambolesque au début, mais elle a fait son deuil, et elle est maintenant celle qui me soutient le plus, et je ne souhaiterais jamais quelqu’un d’autre pour me soutenir dans mes épreuves.

Pour ce qui est de mon père, je n’ai jamais été complètement sûr de sa réaction. Je n’ai jamais fait mon coming out directement à lui, puisque ma mère s’est échappée avant que je puisse lui dire. La seule chose que je sais, c’est qu’il m’accepte complètement, et que même si ça a probablement été difficile d’avaler la nouvelle pour lui aussi, il a été courageux et a toujours donné son 110% en ce qui concerne mon nouveau prénom.

Mon frère et ma soeur étaient plutôt jeunes quand j’ai fait mon coming out. C’était probablement bizarre pour eux au début, à cause des arguments que ma transition a engendrés. Je n’ai jamais eu de problèmes avec eux, et ils ont toujours utilisé le bon prénom et les bons pronoms pour me parler, même quand mes parents se trompaient. À leur âge, je trouve que c’est plus facile de se défaire des stéréotypes, parce qu’ils n’ont pas eu à vivre avec une image biaisée de ce qu’est être une femme ou un homme, et je les trouve chanceux. 

5. Te sens-tu mieux dans ton corps depuis que ta transition a commencé ?

Absolument! Je me sens nettement plus en confiance. Je n’ai plus peur d’aller vers les gens et faire de nouvelles rencontres par peur qu’ils se trompent. Aussi, avec les hormones, mon corps change et devient plus masculin et j’aime beaucoup ça. Il y avait beaucoup de changements au début, mais ça ne m’a jamais dérangé. Ces changements sont qui je suis maintenant. 

6. Est-ce que c’est irritant de t’injecter chaque jour ?

Bon, premièrement, je ne me pique pas chaque jour, mais une fois par semaine. Je prends une certaine dose de testostérone prescrite par semaine et je vais devoir prendre ça toute ma vie. Si tu as peur des aiguilles, l’injection n’est pas nécessairement la méthode recommandée, mais moi, ça ne me dérange pas. C’est juste une fois par semaine et ça amène tellement de changements plaisants que je suis prêt à faire le sacrifice. 

7. Penses-tu faire les opérations de changement de sexe ? 

C’est dans mes plans. Le processus est long et il n’y a qu’une seule clinique de chirurgie de réassignation sexuelle au Québec, alors la liste d’attente est pleine. Je suis aussi à l’université à plein temps et je ne voudrais pas me ralentir à cause des opérations. Je ne suis pas pressé, et je suis capable d’attendre à la fin de mon parcours scolaire parce que mon corps ne me dérange plus autant qu’avant. 

Et maintenant, un avant et après  la transition d’Edan Tapp:

Avant:

Après:

 

Écris par: Émile Tapp et Thomas Faucher