Une autre perception d’Alain Lavoie

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L’autre jour, nous avons rencontré Alain Lavoie, notre ancien enseignant de français, pour lui proposer une entrevue. Au début, il a résisté, mais nos talents et notre acharnement de journaliste ont réussi à le faire changer d’idée! Nous l’avons donc questionné sur quelques sujets que nous trouvions intéressants.

Quelle est ta définition d’un enseignant?

Oh, définition qui est très large, une définition aussi qui peut fluctuer avec le temps. L’enseignant d’il y a 20 ans, je ne crois pas que ce soit nécessairement l’enseignant d’aujourd’hui. Notre société est pleine de mutations, entre autres grâce à la technologie.

Pour moi, un bon enseignant c’est déjà au départ quelqu’un capable de tisser des liens. Pas obligé d’être un animateur ni de se faire aimer pour autant. Ça peut être simplement de dégager une relation de respect. Mais je trouve que c’est une profession de plus en plus demandante et de plus en plus difficile dans le contexte actuel.

Pourquoi trouves-tu important d’entretenir une bonne relation avec tes élèves?

Parce que je me souviens d’un de mes anciens maîtres il y a une trentaine années. Il disait que tant et aussi longtemps que tu n’as pas tisser des liens avec les élèves, tu peux avoir une certaine difficulté à enseigner. C’est sûr que ça dépend des élèves! Mais en général, il vaut mieux avoir des bons contacts et il vaut mieux que la classe soit disons accueillante, sympathique en général. Tu sais, c’est mon point de vue personnel.  J’ai toujours été un peu de la tendance humaniste, dans le sens de motiver un peu les élèves, de leur faire passer un bon temps. Mais sans pour autant trop bricoler sur la qualité. Je pense que ça peut rendre tout le monde heureux autour de l’école.

Si tu arrêterais d’enseigner demain matin, qu’est-ce qu’il te manquerait le plus?

Qu’est-ce qui me manquerait le plus? Je te dirais que hormis la part narcissique qu’on peut avoir en enseignement, à mon âge je commence à me guérir, mais c’est sûr qu’à chaque année, et je pense que je ne suis pas le seul non plus, il y a toujours des élèves qui nous ont marqué à marqué par leur façon d’être, par l’appréciation, ou aussi par leur personnalité.

Je sais que parfois je dois faire attention à cette nostalgie-là parce que je peux me faire prendre dans mon propre jeu et ça devient un deuil! Oui, à chaque année, j’ai un deuil. L’année passée, par exemple, avec vous il y a quelques élèves que j’ai beaucoup appréciés. Mais fort heureusement, aujourd’hui, ce que j’aime beaucoup c’est que l’on garde contact. J’ai été vraiment, mais vraiment privilégié par mes élèves.

Est-ce qu’il n’y aurait pas un professeur d’histoire caché au fond de toi?

Oui oui oui, parce qu’en premier j’ai fait un baccalauréat en histoire, c’était mes premiers amours si je peux dire. J’ai enseigné en histoire même ici à la Ruche. À l’époque, j’ai eu comme maître guide Michel Bombardier en 1988. J’étais tout jeune! J’avais 28 ans, fringuant et j’étais avec Michel. Puis ensuite, je me suis mis un petit peu plus à lire des romans. Et à un moment donné, je suis tombé sur un maître, quelqu’un d’une intelligence et d’une culture remarquable et finalement, tout cela m’a entraîné tranquillement à vouloir découvrir les grands auteurs et à m’intéresser à la philosophie, aux essais philosophiques. Depuis, dès que je sais qu’il y a un bon livre à quelque part, qu’il y a une bonne critique, il faut que je l’obtienne tout de suite, c’est plus fort que moi. C’était une belle page de ma vie.

Où te vois-tu dans 10 ans?

Hihihi, oh là là! Dans 10 ans, où est-ce que je me vois? Je me vois à ma retraite c’est sûr, mais comment dirais-je (hésitation)? Déjà au départ, c’est que je crois qu’on est déjà dans une période de réminiscence de nostalgie à mon âge. Déjà, on rentre dans une période qui est difficile au début de la cinquantaine, je trouve que c’est relativement difficile parce qu’on travaille toute notre vie, 20 ans, 30 ans, permanence de métier… Rendu dans la cinquantaine, c’est une autre chose, notre orbite prend une autre dimension. On se lève le matin puis on se dit: « Mon dieu, qu’est-ce qui est arrivé? » Depuis l’année passée, j’ai commencé à le remarquer, le lien avec les élèves était différent. C’est là que j’ai vu que je n’avais plus 30 ans. J’ai vu qu’il y avait une espèce de fossé qui s’était agrandi avec les élèves.

Notre quatrième secondaire a été marqué par cet enseignant de français tout droit sorti des années 70 qui nous a inculqué des valeurs et un vocabulaire impeccable, mais ce qu’il nous a marqué le plus est son côté humaniste.

Samuel Grenier et Mélie-Jade Racicot